LA PREMIERE DES 4 NOBLES VERITES (Les choses conditionnées – samkhãra)
Bouddha, ce qui signifie l’Eveillé, par la nature de son esprit, avait une compréhension profonde des phénomènes de l’existence. Comme un scientifique actuel, il avait compris la nécessité d’avoir une connaissance aussi complète que possible du sujet, avant d’entreprendre une démarche quelconque. La première des quatre nobles vérités énoncées par lui, se veut de définir et de faire comprendre le sens du mot pâli dukkha. Il n’est pas possible de transposer ce mot en français par un synonyme, car il exprime de la plus profonde détresse à la plus légère contrariété. Mais il traduit également les notions d’impermanence, d’imperfection et de vide. La plus petite satisfaction, la plus grande joie ou la plus profonde sérénité n’en sont pas exclues. Par nature, ces états sont impermanents et finalement souffrances et regrets. En résumé, tout ce qui est impermanent est dukkha, tout ce qui appartient au monde des phénomènes est dukkha.
Faites ici une pause et méditez quelques instants sur cette notion globale de dukkha.
Partant de ces constatations, Bouddha différencie trois sortes de dukkha.
1° dukkha-dukkha : il s’agit ici de traduire dukkha dans son sens le plus ordinaire, à savoir :
– la maladie
– la vieillesse
– la mort
– l’union avec ce qu’on aime pas
– la dépendance de mauvaises conditions
– ne pas obtenir ce que l’on désire, etc.
En résumé, il s’agit de la souffrance grossière, celle que chacun reconnaît au premier contact.
2° viparinãma-dukkha : évoque une notion plus subtile, en ce sens qu’il s’agit de dukkha ayant pour origine un changement d’état, à savoir :
– la cessation de conditions de vie heureuse
– être séparé de ce que l’on aime
– extinction d’un sentiment de bonheur, etc.
Voilà traduit une notion qui explique pourquoi, satisfaction, joie, sérénité, sont finalement dukkha par leur impermanence.
3° samkhãra-dukkha : est plus subtil encore car il s’agit du concept purement philosophique de dukkha. Arrivé à ce stade, il faut éclaircir certains aspects sur le moi ou l’illusion d’être. Bouddha compris que ce que nous appelons « le moi », n’est en réalité qu’une vue erronée d’un groupe de cinq éléments (les agrégats) qui nous composent et qui donnent l’impression de discontinuité, donc d’exister en tant qu’individu, à savoir :
– Agrégat de la matière
– » des perceptions
– » des sensations
– » des formations mentales
– » de la conscience |
Un individu est en fait composé de 5 agrégats donnant une illusion de continuité et d’unité
Avant d’aborder les descriptions des agrégats, il convient de préciser que dans la terminologie de l’enseignement bouddhiste, le terme « objet » signifie un large éventail de choses, comme la matière, les odeurs, les pensées, les sons, les phénomènes…
Agrégat de la matière
Un objet, selon sa propre nature, visuelle, auditive, olfactive, a pour base l’oeil, l’oreille, le nez, etc. Bref, les agrégats matière.
Agrégat de la perception
Sur cette base, l’objet sera perçu, identifié, comme vision, son, odeurs, etc.
Agrégat des sensations
Puis, l’objet est ressenti par le sujet. Il devient plaisant, déplaisant ou neutre.
Agrégat des formations mentales
Ici, se situe la réponse de l’individu à la sensation. On dénombre 52 attitudes possibles, qui vont de la haine à l’amour, du désir à la répulsion, de l’ignorance à la sagesse, etc. Jusque là, il n’y avait rien de volontaire, mais ici le sujet décide de l’attitude à adopter. D’où l’action volitionelle, qui engendrera une réaction karmique. C’est ici que se situe la différence entre l’Arahant et les êtres ordinaires, mais nous verrons ceci plus en détail dans la troisième noble vérité.
Agrégat de la conscience
La conscience, a pour base les six facultés (oeil, oreille, nez, etc.). Pour le bouddha, la conscience n’est pas une entité, une âme ou un moi immuable en opposition à la matière. Dans son enseignement, il insiste sur le fait que la conscience est engendré par la matière, la sensation, la perception et la formation mentale.
D’un objet perçu par l’oeil naît la conscience visuelle. De même que de l’objet perçu par l’oreille naît la conscience auditive, etc. Donc, la conscience n’est que pure attention, elle n’analyse pas. Voir n’est pas reconnaître et entendre n’est pas comprendre. De plus, à l’extinction de sa base, la conscience disparaît aussi.
Retenons que ces 5 agrégats, nommés aussi « agrégats d’attachement » et qui semblent nous composer, entretiennent ce concept du moi. Ils se succèdent de façon si rapides, qu’ils donnent à l’observateur non avisé l’illusion d’une continuité. En réalité, ils sont engendrés par le monde des phénomènes, impermanents et par conséquent ils sont dukkha.
Bouddha a dit :
« C’est tout à fait comme une rivière de montagne qui va loin et qui coule vite, entraînant tout avec elle; il n’y a pas de moment, d’instant, de seconde ou elle s’arrête de couler, mais elle va sans cesse coulant et continuant. Ainsi, est la vie humaine, semblable à cette rivière de montagne. »
En d’autre termes, la rivière n’est pas une entité en elle-même, elle n’est que composée. Elle donne l’illusion d’une continuité, d’une entité, mais son écoulement n’est que l’effondrement par gravité de ses composants moléculaires. Il ne s’agit donc que d’une somme de moments qui seraient décomposables.
Cette première noble vérité est fondamentale, elle est la base de la philosophie bouddhiste. Celui qui la comprend, comprendra aussi les trois suivantes.
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